Pour l’édition de son premier livre d’artiste, le photographe Edouard Elias a choisi de confier ses images à l'héliograveur et Maître d’art Fanny Boucher.
En mars 2016, Edouard Elias accompagne la journaliste Gwenaëlle Lenoir à bord de l’Aquarius, un navire affrété par l’association SOS Méditerranée pour secourir, en pleine mer, les réfugiés qui tentent la traversée depuis la Libye vers l’Italie sur des embarcations de fortune. Le photographe est alors témoin de l’un des premiers sauvetages opérés par l’Aquarius.
De ce reportage, Edouard Elias extrait 25 photographies. Gravées en héliogravure et imprimées par la Maître d’art Fanny Boucher, ces images sont désormais réunies dans un livre : MĔDĬTERRĀNĔUM.
HELIOGRAVURE ET PERENNITE
« Le choix de l’héliogravure n’est jamais neutre », rappelle Fanny Boucher. L'histoire de MĔDĬTERRĀNĔUM en témoigne.
Lorsqu’il rencontre la Maître d’art, Edouard Elias s’interroge quant à la précarité de ses images :
« Je travaille principalement pour la presse. Par définition, mes images sont éphémères ; elles sont imprimées en un nombre limité et diffusées sur des supports peu durables. L’occasion m’a certes été donnée d’exposer les photographies prises à bord de l’Aquarius : à Bayeux, au Festival des Libertés de Bruxelles ou au Centre Culturel Italien de Paris … mais les tirages réalisés pour ces manifestations restent fragiles. »
Le photographe est à la recherche d'un format plus pérenne. L'héliogravure, qu'il découvre, répond à ses préoccupations. Le procédé donne en effet aux images photographiques une durabilité qu'aucune autre technique d'impression ne parvient à égaler.
En savoir plus sur l'héliogravure
LE LIEN ARTISTE-ARTISAN : UNE INTREPRÉTATION COMMUNE DE LA RÉALITÉ
Comme l'explique Edouard Elias, la prise de vue et la transformation des images requièrent des savoir-faire distincts mais complémentaires. Il confie pourtant qu’il lui est difficile de passer le relais sur ses images.
Une relation de confiance s'installe néanmoins entre le photographe et la Maître d’art qui change leur collaboration autour de MĔDĬTERRĀNĔUM en un véritable projet à quatre mains.
Fanny Boucher raconte :
« Il était important qu’Edouard me fasse confiance. Je ne fais pas de la reproduction mais de l’interprétation, une interprétation de sa propre perception de la réalité. Il est arrivé avec une preuve de ce qu’il se passe aujourd’hui en Méditerranée et m’a demandé de la rendre intemporelle. Mon rôle, en tant qu’artisan, était de traduire sa pensée sans la pervertir. Or, je n’étais pas avec lui lorsqu’il a réalisé ces images. »
Elle ajoute :
« Ce n’est pas anodin de graver des regards comme ceux-là. Je n’avais pas le droit de les tromper. »
La Maître d’art se documente, interroge longuement le photographe à propos de son expérience. Pendant trois semaines, Edouard Elias se rend tous les jours dans l’atelier. Il assiste à la gravure de chaque matrice, ce que Fanny Boucher autorise rarement.
De spectateur, il devient acteur explique l’héliograveur :
« Edouard me donnait beaucoup d’indications. Il a influencé mon geste tout en me laissant la liberté dont j’avais besoin. Nos échanges ont orienté l’ensemble du projet. »
Huit mois de travail sont nécessaires pour achever les 25 exemplaires du livre. De cette longue période, Fanny Boucher conserve le sentiment qu'une responsabilité lui incombe désormais :
« Edouard et moi avons maintenant un devoir d’image et de mémoire. Ces regards que j'ai gravés, nous avons le devoir de les inscrire, eux et leur histoire, dans le temps. »
KRONIK
Inscrire dans le temps est un acte que la Maître d'art accomplit notamment à travers Kronik, une collection initiée par l'atelier Hélio'g et qu'Edouard Elias a accepté d'enrichir.
Kronik est à la fois un corpus d'images et une action. Accompagnée de son Elève, Marie Levoyet, Fanny Boucher imprime en public une sélection de caricatures et de photos d'actualité en petit format, à partir de matrices héliogravées. Aux curieux qui l'interrogent, elle explique le procédé d'impression et les images qui se trouvent sous leurs yeux. Chacun peut alors repartir avec une héliogravure de son choix.
L'intervention est bénévole et peut s'adresser au jeune public. Fanny Boucher résume ainsi l'esprit de Kronik et son rapport avec ceux qui choisissent de s'arrêter :
« Si le sujet les touche, si nous prenons le temps d'en parler, ils en parleront à leur tour, peut-être à une, deux, voire dix personnes. Sur l'échelle d'une vie on peut toucher beaucoup de monde ainsi, même si ce n'est pas immédiat ».
Pour Edouard Elias, Kronik lui permet de revenir à ce qu'il considère comme l'essentiel de son métier :
« Avec Kronik, la transmission s'effectue en direct, sans intermédiaire. Les tirages sont certes limités, mais l'impact est plus durable car nous prenons le temps d'échanger avec les gens. »
MĔDĬTERRĀNĔUM AU GRAND PALAIS
Fanny Boucher et Edouard Elias seront présents au Grand Palais, du 13 au 15 avril, à l'occasion du Salon du Livre rare et de l'Objet d'art.
Ils exposeront MĔDĬTERRĀNĔUM et animeront ensemble une conférence : "Du regard à la mémoire par les Métiers d'Art" (samedi 14 avril à 17h).
MĔDĬTERRĀNĔUM
Ouvrage édité en 25 exemplaires.
Photographies d'Edouard Elias, textes d'Erri de Luca et de Gwenaëlle Lenoir.
Les photographies ont étés gravées en héliogravure et imprimées par l’atelier Helio’g de Fanny Boucher, à Meudon. Les textes ont été imprimés en lithographie sur les presses de Stéphane Guilbaud, à Paris.